Centrafrique : un nouveau programme pour les victimes de violences sexuelles.
29/11/2019
Malgré ses richesses naturelles, la Centrafrique figure parmi les nations les plus pauvres du monde, au 188ème rang sur 189 selon l’indice de développement humain. En proie aux conflits depuis près de vingt ans, on y compte des dizaines de milliers de femmes et de filles victimes de violences sexuelles.
Face à cette situation et forts de leurs expériences, la Fondation Pierre Fabre et ses partenaires mettent en place un centre de prise en charge globale des victimes de violences sexuelles à Bangui, au sein de l’hôpital de l’Amitié. La signature officielle de la convention de financement de ce programme a été signée le 28 novembre 2019 par Pierre-Yves REVOL, Président de la Fondation Pierre Fabre, Béatrice GARRETTE, Directrice générale, et Rémy RIOUX, Directeur général de l’AFD, en présence du Dr Denis MUKWEGE, prix Nobel de la paix 2018 et des autres partenaires : Magalie BESSE, Directrice de l’Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie ; Dr Roch M’BETID pour l’hôpital de l’Amitié de Bangui ; Nadia Carine FORNEL POUTOU, Présidente exécutive de l’Association des Femmes Juristes de Centrafrique.
Un projet de prise en charge globale des victimes
Depuis 2017, la Fondation Pierre Fabre soutient la réplication à l’hôpital rural de Bulenga (RDC) du modèle de « guichet unique », ou « One Stop Center », créé par le Dr Denis Mukwege et structuré autour de quatre piliers, qui répondent aux besoins essentiels de guérison de la victime et de son autonomisation : piliers médical, psychologique, juridique et socioéconomique. Face à la situation en Centrafrique et forts de leur expérience commune en République Démocratique du Congo, la Fondation Pierre Fabre, la Fondation Panzi RDC, la Fondation Dr. Denis Mukwege et l’Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie ont décidé de s’unir à nouveau, avec l’appui financier de l’Agence Française de Développement, pour répliquer le modèle de prise en charge holistique du Dr Mukwege à Bangui, au sein d’un hôpital public (l’Hôpital de l’Amitié) et d’une association centrafricaine (Association des Femmes Juristes de Centrafrique), déjà deux lieux reconnus de référencement de victimes de violences sexuelles et basées sur le genre dans le pays.
Dans ce programme cofinancé par l’Agence Française de Développement à hauteur de 3 millions d’euros, la Fondation Pierre Fabre, cheffe de file de ce groupement de partenaires, apportera 1,2 million d’Euros. Elle apportera également son expertise médicale et scientifique et assurera la gestion administrative et financière du programme.
Ce programme, d’une durée initiale de 4 ans, permettra aux victimes de violences sexuelles et violences basées sur le genre de Bangui et des provinces, d’accéder à des soins holistiques de qualité, selon un parcours coordonné, accompagné et complet, grâce à la mise en place d’un « Guichet unique » localisé au sein de l’Hôpital de l’Amitié et de l’Association des Femmes Juristes de Centrafrique (AFJC) à Bangui. Ce programme participera également à la prévention des violences sexuelles et violences basées sur le genre dans le pays. Facilité par les partenaires internationaux (Fondation Pierre Fabre, Fondation Dr Denis Mukwege, Fondation Panzi RDC, Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie), ce programme est fondé sur un transfert de compétences Sud-Sud entre les acteurs congolais et les acteurs centrafricains. Il permettra en outre de renforcer les capacités d’un hôpital public ainsi que d’une association locale reconnue ; deux structures qui sont déjà des lieux de référencement pour les victimes de violences sexuelles et violences basées sur le genre.
« Ce programme marque une étape importante dans l’engagement de la Fondation Pierre Fabre aux côtés du Dr Mukwege et au service des populations les plus vulnérables. Dans un contexte difficile, le programme va s’appuyer sur les compétences complémentaires des partenaires français, congolais et centrafricains avec l’objectif commun d’apporter aux victimes de violences sexuelles et violences basées sur le genre en Centrafrique les soins et la prise en charge pluridisciplinaire qui leur permettront de se relever.
Pierre-Yves REVOL, Président de la Fondation Pierre Fabre
20 ans de conflits, un système de santé exsangue
La République Centrafricaine (RCA) est un pays enclavé, frontalier du Cameroun, du Tchad, du Soudan, du Sud Soudan, de la République démocratique du Congo et du Congo Brazzaville. L’Esperance de vie des centrafricains est de 53.5 ans[1]. Le pays compte 4.6 millions d’habitants[2] dont 600 000 à Bangui, sa capitale. Le contexte sécuritaire est très volatile et les besoins humanitaires dépassent les ressources disponibles.
La RCA est en proie aux conflits depuis près de vingt ans. Au début des années 2000, des dizaines de milliers de femmes et de filles ont été victimes de violences sexuelles pendant la guerre civile ayant pris fin avec les accords de paix signés en 2007. Depuis 2012, la RCA connait une des plus graves crises politiques et sécuritaires de son histoire. Cette année-là, plusieurs groupes rebelles s’allient pour former la Séléka dont l’objectif est de renverser le gouvernement de François Bozizé (pouvoir renversé en mars 2013). Les populations civiles deviennent rapidement une cible et font l’objet de représailles permanentes. Le 17 octobre 2018, le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) estimait à 636 489 le nombre de déplacés internes et à 574 638 le nombre de réfugiés. Si les accords de Khartoum, signés le 6 février 2019, doivent contribuer à renforcer la construction de la paix dans le pays, ils n’ont cependant pas encore pleinement – tout comme la transition démocratique précédente – stabilisé la situation politique et sécuritaire et sont également susceptibles de générer de nouvelles questions à résoudre, notamment concernant la lutte contre l’impunité.
Dans ce contexte, les Violences Basées sur le Genre (VBG) doivent faire l’objet d’une attention particulière. Elles se manifestent sous différentes formes, dont les Violences Sexuelles (VS). Déjà importantes avant la crise, les VS sont désormais utilisées dans le cadre du conflit comme un instrument visant à terroriser et « punir » les populations civiles. De fait, le viol – collectif ou non – et l’esclavage sexuel sont aujourd’hui couramment pratiqués par les bandes armées. En outre, comme constaté dans une majorité de conflits armés, les violences basées sur le genre, tels que la violence domestique, l’exploitation sexuelle et les mariages forcés, augmentent. Ainsi, le nombre de survivant.e.s ne cesse de croître, incluant désormais des hommes et des enfants. Les chiffres sont d’autant plus alarmants qu’une grande partie des survivant.e.s ne sont pas recensé.e.s, faute d’avoir recherché de l’aide en raison de la crainte de la stigmatisation, de l’absence d’information sur les initiatives mises en place et du manque de moyens financiers.
[1] INED estimation 2018
[2] NED estimation 2018